Située dans l’extrême Est du Niger, près du lac Tchad et à environ 1 300 kilomètres de la capitale Niamey, la région de Diffa couvre une superficie de 156 906 km² pour une population de 591 788 habitants (recensement 2012). Elle est subdivisée administrativement en six départements (Diffa, Maïné Soroa, N’Nguigmi, Bosso, Goudoumaria et N’Gourti), pour 12 communes, six cantons et 17 groupements nomades. La population, majoritairement jeune (49,8% ont de moins de 15 ans), est composée de Kanuri (58 %), de Peulhs (27 %), de Toubous (7 %) et de Hausa (3 %).
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Dans l’enseignement primaire, la région de Diffa présente les taux les plus faibles du pays en termes de scolarisation (taux brut de scolarisation de 62.3 % et taux d’achèvement de 57,6 % en 2016). Elle concentre les difficultés présentes sur l’ensemble du système avec un nombre croissant d’enfants déscolarisés, d’analphabètes, des établissements provisoires, un manque criant d’enseignants formés, une forte insuffisance d’équipements et d’intrants pédagogiques, et une gestion aléatoire des établissements. De ce fait, le recrutement, la fréquentation et le maintien des élèves dans le système, la qualité des apprentissages sont gravement impactés. À la rentrée scolaire 2015–2016, la région comptait 76 687 élèves (dont 37 294 filles) dans 856 écoles réparties dans 11 inspections du primaire et du préscolaire. Près de 3 000 instituteurs et institutrices sont chargés de cours.
À partir de mai 2013, les troubles au Nord Nigéria (Adamawa, Borno et Yobé) font basculer cette région dans une situation de grave crise sécuritaire qui s’est peu à peu transformée en une crise humanitaire suite aux multiples attaques de la secte Boko Haram. Celles-ci ont provoqué d’importants mouvements de population qu’OCHA estime à plus de 200 000 personnes, soit 1/3 de la population locale. Des dizaines de milliers de personnes ont franchi la frontière nigériane à la recherche de lieux plus sûrs pendant que les populations locales des villages frontaliers se déplaçaient vers les zones plus septentrionales de la région.
Sur le plan scolaire, le système éducatif de la région a été complètement paralysé durant les années scolaires 2013/2014 et 2014/2015, avec d’énormes difficultés dans la progression des enseignements car la psychose créée, doublée de rumeurs de toutes sortes ainsi que les stratégies militaires développées, ont entrainé la fermeture de plus de 125 écoles le long de la rivière Komadougou (zone d’intenses combats).
Après une série de missions dans la région, le gouvernement du Niger a déclaré l’urgence à Diffa le 12 décembre 2014 à travers « l’Appel de Bosso » et demandé à la communauté nationale et internationale de se mobiliser en faveur de ces populations éprouvées. Conséquemment, un comité national de suivi de l’assistance aux déplacés du Nigeria et aux populations hôtes en insécurité alimentaire a été mis en place auprès du Premier Ministre.
Ainsi, des séries de rencontres ont mobilisé les partenaires, à travers le Groupe local des Partenaires de l’Éducation (GLPE) et le Cluster Education, pour appuyer le ministère de l’Enseignement primaire (MEP) dans sa Stratégie de Scolarisation des Enfants réfugiés et déplacés de la Région de Diffa pour la prise en charge des élèves affectés (12 631 dont 8 894 retournés ou relocalisés en 2015-2016).
A travers un Plan d’Action Urgence Diffa (PAUD) pour l’éducation, renouvelé chaque année depuis deux ans, les Ministères en charge de l’éducation et de la formation ont décidé d’assurer la continuité de la scolarisation à tous les enfants de réfugiés, retournés ou autres déplacés malgré la situation sécuritaire très difficile, eu égard aux nombreux engagements internationaux ratifiés par le Niger relativement au droit à l’éducation de tous les enfants sans distinction de race, d’origine ou de sexe.
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D’importantes ressources sont mobilisées chaque année par les partenaires pour faire face à la situation (3,8 million EUR en 2016, puis 6,7 million EUR, en 2017, en sus des contributions du budget national). Certains partenaires ont ainsi réorienté leur programme de développement (comme le programme PAQUE II de la Coopération suisse exécuté par LuxDev) pour financer le PAUD. Les partenaires ainsi mobilisés sont, entre autres, l’UNHCR, l’UNICEF, l’Union européenne, Plan Niger, IRC, la DDC/LuxDev, World Vision et Save The Children.
La Coopération luxembourgeoise appuie les Services techniques régionaux de l’Éducation et les Collectivités territoriales pour (e. a.) structurer ces multiples appuis, améliorer la programmation, le monitoring et la collecte des données statistiques, animer les cadres de concertation.
Les modalités de fonctionnement des établissements scolaires des zones non affectées et la prise en charge des enfants de réfugiés nigérians, des relocalisés ou retournés nigériens ont été clairement définis. Le plan d’action précise les activités à mettre en œuvre en termes d’appui à la gouvernance (réunions périodiques de coordination, missions de sensibilisation et de supervision), à l’accès (construction des infrastructures, dotation d’équipements, alimentation scolaire, promotion de la scolarisation des filles) et à la qualité (renforcement de capacités, formation des agents, dotation en fournitures scolaires, encadrement pédagogique, suivi/évaluation sur le terrain).
Pour cette année scolaire 2016-2017, le PAUD, doté d’une matrice de suivi-évaluation assortie d’indicateurs alignés sur le programme sectoriel, vise la scolarisation de 38 022 élèves des 236 écoles d’urgence (dont 18 985 filles) répartis ainsi : autochtones : 17 554 dont 8 670 filles ; retournés : 3 442 dont 1 604 filles ; déplacés internes : 9 330 dont 4 609 filles ; réfugiés : 7 696 dont 4 102 filles.
Ainsi, conformément aux orientations du PSEF, la réponse en éducation à la crise humanitaire de Diffa parait maîtrisée avec une vraie dynamique créée grâce à une forte mobilisation de l’État et de ses partenaires et à des organes de pilotage opérationnels mis en place localement. Les défis à ce niveau restent liés à la mise à disposition de données fiables actualisées, à l’accès aux zones à haut risques d’insécurité et à la mobilisation de fonds pour faire face aux nouveaux besoins.
La situation qui prévaut dans la région du bassin du lac Tchad mérite que l’on s’y attarde pour relever quelques observations et analyses. Pour le cas de Diffa, la proximité géographique et les similitudes culturelles avec les zones en conflit ont facilité la contagion mais le phénomène d’extrémisme violent se nourrit aussi de la pauvreté ambiante de la population et de l’incapacité de l’État à parfois délivrer les services de base aux populations. Il se dégage également une frustration grandissante au sein de la jeunesse dont une large partie demeure sans emploi et sans motifs d’espoir. La crise actuelle, aux conséquences socioéconomiques lourdes, a tendance à agir comme un accélérateur de tentation de basculement dans la criminalité pour des jeunes sans alternative et qui ne s’épanouissent pas. Le besoin à court et moyen terme de perspectives de formation, d’apprentissage, d’emploi et de création de revenus autour des opportunités économiques régionales est prégnant. La montée de l’extrémisme religieux est perceptible dans la région à travers le développement d’un discours dirigé à la fois contre l’Islam traditionnel et contre l’incapacité supposée de l’État à prendre en charge les défis socio-économiques, malgré les mesures sécuritaires.
À cet effet, l’école et la formation professionnelle constituent la principale alternative. Il est impérieux pour l’État et ses partenaires de mettre en valeur le potentiel existant dans la région. Le dynamisme et la créativité des jeunes sont une ressource majeure pour Diffa et le Niger qui doivent être captés et valorisés.
Arima Chegou
Point focal Éducation en Situation d’Urgence
Ministère de l’Enseignement primaire
Niamey
Thierry PY
Assistant technique international
Éducation
LuxDev / Niamey
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