La commune de Badaguichiri dans la région de Tahoua au Niger va bientôt mettre en service un tout nouveau système d’alimentation en eau potable. Ce système dit « multivillages » permettra l’alimentation en eau de 5 localités pour un total de plus de 8 000 habitants.
La gestion de cet équipement est toutefois un enjeu majeur : comment sera-t-il entretenu ? L’accès en sera-t-il équitable ? Qui bénéficiera des recettes issues de la vente de l’eau ?
Le mode de gestion « communautaire » de l’hydraulique villageoise qui prévalait au Niger, comme dans beaucoup de pays de la sous-région, est progressivement remplacé par une gestion déléguée. En effet, les problèmes de gestion financière entrainaient des pannes régulières et réduisaient la durabilité des systèmes d’approvisionnement en eau. De plus, la technicité des nouveaux ouvrages nécessite des compétences spécialisées.
AEP multivillages de la commune de Badaguichiri, région de Tahoua © LuxDev
Les nouvelles lois de décentralisation concèdent aux communes la compétence en eau et assainissement y inclus la gestion des ouvrages. Pour accompagner ces changements, le Ministère de l’Hydraulique a défini le cadre de gestion des ouvrages d’eau potable en milieu rural à travers son Guide du Service Public de l’Eau (guide SPE). Le principe de délégation de la gestion des ouvrages à des prestataires privés y est privilégié.
Sur la commune de Badaguichiri, un délégataire privé gère déjà depuis 2015 les 7 ouvrages existants. Encadré par une convention, ses performances sont contrôlées par la commune. Les usagers sont représentés par une association et par un bureau de contrôle indépendant. Un système de redevance répartit les recettes de la vente d’eau entre le délégataire, un fonds destiné au renouvellement et aux extensions des infrastructures et un autre destiné au développement du service eau et assainissement communal. Le contrat de ce délégataire arrivant à terme, un processus de mise en concurrence permettra la signature d’une nouvelle convention incluant le nouveau système prochainement opérationnel.
Représentants du délégataire de l’AEP de Dara Ichiroua, Commune de Wacha, Région de Zinder © LuxDev
L’application de ces modalités de gestion est censée garantir la durabilité de l’ouvrage aussi bien d’un point de vue technique que financier.
L’existence de ce cadre réglementaire et méthodologique est un véritable atout même si sa mise en œuvre souffre encore d’insuffisances. En 2018, au Niger, 74 % des ouvrages étaient en gestion déléguée. La performance de ces délégataires et des bureaux de contrôle est encore perfectible et les différents fonds ne sont pas toujours alimentés régulièrement. Pourtant, les résultats sont encourageant avec des taux de panne trois fois inferieurs sur les ouvrages placés en délégation.
Le Programme d’Appui au Secteur de l’Eau et de l’Assainissement (PASEHA 3), programme conjoint Luxembourgeois et Danois, appuie le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement dans la mise en œuvre du programme sectoriel de l’eau, l’hygiène et de l’assainissement (PROSEHA). Sous l’impulsion du Luxembourg et du Danemark, un mécanisme commun de financement (MCF) permet désormais de canaliser les fonds des partenaires étrangers dans une démarche commune et cohérente avec les politiques nationales.
La mise en place de la délégation de gestion des ouvrages construits sur financement du MCF est un point important du programme. Cependant, les ambitions sont plus grandes encore avec l’objectif d’améliorer la qualité du service public de l’eau et sa pérennité au niveau national. Pour cela, le Guide du Service Public de l’Eau a été révisé, un accompagnement de proximité des communes et la formation régulière des acteurs locaux ont été mis en place ainsi que des cadres de concertations au niveau régional.
La durabilité des ouvrages a été longtemps un point faible des programmes d’hydraulique rurale en Afrique et en particulier dans les pays sahéliens. La mise en place de nouveaux modes de gestion permettra progressivement une véritable professionnalisation du secteur garantissant la pérennité des installations tout en respectant les principes de redevabilité financière applicables aux collectivités en charge.
Les ouvrages placés en gestion déléguée ont un taux de panne trois fois inférieur à ceux gérés de façon traditionnelle © Zouloukalleyni Dourfaye
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