Au Niger, de fortes attentes sont placées sur le sous-secteur de la formation professionnelle, censé absorber une partie des flux du cycle de base et offrir des compétences à des jeunes de plus en plus nombreux pour qu’ils puissent accéder à des emplois décents. Malheureusement, ce secteur est fortement impacté par les disparités et inégalités de genre. En plus des inégalités d’accès pour les filles, qui concernent tout le système éducatif, le sous-secteur de la formation professionnelle a en plus tendance à reproduire les rôles traditionnellement attribués aux filles et aux femmes et qui renforcent leur statut de « femme au foyer » surchargée par les rôles reproductifs.
En effet, les données de l’annuaire statistique 2017-2018 du Ministère des Enseignements Professionnels et Techniques (MEPT) montrent que les filles sont majoritaires dans le secteur tertiaire. Mais force est de constater que c’est une majorité qui cache des disparités car elles sont majoritaires au sein des Centres de Formation aux Métiers (CFM), particulièrement dans la filière économie familiale où elles représentent 66 % des apprenants, alors que dans les secteurs industriel et primaire elles ne représentent respectivement que 7 % et 28 % de l’effectif total.
Avec l’appui de la Coopération luxembourgeoise, le MEPT a donc entrepris un vaste chantier d’élaboration d’un plan d’institutionnalisation du genre pour une meilleure prise en compte de l’équité et de l’égalité de genre dans les politiques, programmes, projets et structures du Ministère.
La mise en œuvre du plan d’institutionnalisation du genre devra améliorer l'égalité de genre en matière de formation professionnelle en donnant aux filles et aux garçons les mêmes chances d'être formés, mais aussi des chances égales de développer leurs talents en les soumettant à des méthodes d'enseignement et des programmes qui sont exempts de stéréotypes.
Les filles restent très souvent cantonnées dans les rôles reproductifs et communautaires que la société leur assigne © LuxDev
Parallèlement à l’élaboration du plan d’institutionnalisation du genre du MEPT, la Coopération luxembourgeoise a également soutenu la révision de la Stratégie nationale d’Aaccélération de l’éducation et de la formation des filles et des femmes (SNAEFFF) qui intègre le plan d’institutionnalisation du MEPT.
Concrètement, le MEPT avait déjà élaboré une stratégie genre depuis 2013, mais elle n’avait pas été mise en œuvre. Un vaste audit participatif a donc été réalisé pour avoir une image précise de la situation actuelle du genre au sein du MEPT, sur cette base un nouveau plan d’institutionnalisation du genre a été élaboré.
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce plan, plusieurs actions de renforcement des compétences en genre ont été réalisées. 45 points focaux genre ont été identifiés dans chaque structure du MEPT aux niveaux central et régional. Ils ont reçu une formation en genre puis en plaidoyer et certains d'entre eux ont été sélectionnés pour être formés comme formateurs en genre. À leur tour, ces formateurs en genre ont conçu un module de formation et ont commencé à former l’ensemble des acteurs du MEPT aussi bien au niveau central que régional.
Par ailleurs, les points focaux genre du MEPT sont en train d’être formés en leadership pour le changement de comportement pour les doter de compétences dans les domaines de la pensée stratégique et de la gestion du changement, afin qu’ils puissent devenir de véritables leaders dans leurs structures, dans la société et réaliser les résultats qui leur sont assignés pour une meilleure prise en compte du genre.
Adama, point focal à la direction régionale des enseignements professionnels et techniques (DREPT) de Niamey, avoue que les formations qu’elle a reçues ont profondément modifié sa vision du concept de genre. En effet, l’équité entre femmes et hommes relevait pour elle de la douce utopie, surtout dans le cadre du ministère. Par ailleurs, elle partageait l’idée préconçue selon laquelle « le genre est une affaire de femme ». Aujourd’hui, elle est suffisamment outillée pour défendre l’idée d’un système plus égalitaire et prend son rôle de leader d’opinion très au sérieux. Ainsi, elle a même reconsidéré la façon dont elle éduque ses trois garçons et sa fille.
Adama, point focal genre à la DREPT de Niamey © LuxDev
Au niveau professionnel, après avoir participé à la formation des formateurs en genre, elle se sent suffisamment outillée pour dispenser des formations à des chefs d’établissements et même à ses supérieurs. Même si tout reste à faire, elle se sent particulièrement motivée par l’idée de faire changer les mentalités, mais aussi d’apporter des changements concrets. Elle propose par exemple que davantage d’hommes soient nommés points focaux, que des femmes soient formatrices dans des métiers techniques, que des incitations financières soient offertes aux jeunes femmes qui font des choix différents… Autant d’idées qu’elle compte faire circuler largement autour d’elle pour faire bouger les lignes.
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