Niger - Le Centre de formation aux Métiers de Birni N'Konni dans la région de Tahoua est un succèsUn catalyseur pour le développement des compétences
La Coopération luxembourgeoise a fortement renforcé l’offre de formation professionnelle dans la région de Tahoua, située au carrefour de quatre pays (le Mali à l’Ouest, l’Algérie et la Libye au Nord, le Nigéria au Sud). Un vaste territoire (113 317 km2), peuplé par moins de 4 million d’habitants, avec une forte présence d’émigrants et de réfugiés, et parcourue traditionnellement par des éleveurs transhumants. La ville de Tahoua reflète bien ces traits saillants, en étant principalement un marché pour la zone agricole environnante et en servant d’entrepôt aux commerçants Touaregs du nord et aux commerçants Peuls du sud. La structure économique et productive de la région comprend un cheptel important et diversifié, des vallées fertiles pour les cultures d’exportation (oignon), des potentialités fauniques et touristiques ainsi que l’extraction de calcaire, des phosphates et de gypse.
L’investissement du Grand Duché de Luxembourg a appuyé le système de la formation professionnelle publique à former les compétences requises par les filières porteuses de l’artisanat, de l’agriculture et de l’élevage dans trois départements de la région de Tahoua, à savoir Birni N'Konni, Illela et Madaoua, situés à l'extrême sud de la région avec notamment la construction et l’équipement de trois Centres de Formation aux Métiers (CFM) dans lesdites localités.
Le Département de Birni N’Konni qui compte 350 000 habitants, un taux d'accroissement de la population de 3,6% et un taux brut de scolarisation de 72,6%, est voué à l'agriculture (produits agricoles et agroalimentaires), à l'élevage, à l’artisanat (électromécanique, menuiserie-bois, couture) et au commerce qui est favorisé par sa proximité avec le Nigeria, son voisin le plus actif économiquement. L’offre de formation à Birni N’Konni concerne les filières liées à l’artisanat de service. Cependant, les producteurs demandent aussi des compétences liées à la conservation et à la transformation de l’oignon, à l’organisation des circuits de sa commercialisation ou encore à la chaine de la transformation du lait en fromage ainsi qu'aux techniques d’élevage. Les responsables communaux insistent sur la nécessité du perfectionnement et de la spécialisation dans la mise en œuvre des techniques.
Un rôle crucial pour l'insertion professionnelle des jeunes déscolarisés et non scolarisés, qui constituent le plus grand groupe cible de la formation initiale professionnalisante, est joué par le Centres de Formation aux Métiers (CFM). Ce dernier est sous la responsabilité conjointe des autorités locales et du Ministère des Enseignements Techniques et Professionnels. Il est à noter qu'à Birni N'Konni la présence du Centre de Formation aux Métiers (CFM) a engendré un effet de spin off très positif que nous avons pu constater lors d'une récente visite dont voici le récit.
Le jour est venteux et la poussière de la grande Mer de Sable, comme on appelle le Niger, est présent partout. L'entrée du CFM est animée par un groupe d'étudiantes qui rigolent à la porte et attendent le début de la nouvelle session. Le bruit des outils de construction résonne dans l'air tandis que de jeunes hommes pétrissent du sable et du ciment en vue de réaliser une extension de l'atelier de transformation alimentaire. Un panneau à l'écriture multicolore nous rappelle les nombreuses activités de formation qui se déroulent ici. Aussi pertinentes que décisives pour l'avenir de ces jeunes, ces activités sont source d'espoirs !
Mme Aï Ibro, la Directrice du Centre depuis 2002, est très expérimentée et enthousiaste. Très engagée sur l'employabilité des « ses » jeunes, elle met tout en oeuvre pour consolider et développer le centre et ses opérations. Elle dirige une équipe de 23 personnes dont 18 formateurs. Le CFM, qu'elle gère, est devenue un hub d'apprentissage professionnel dans la ville. Jusqu'à 460 jeunes (192 filles) sont inscrits aux programmes de formation dans sept métiers différents portant sur l'électricité, le bâtiment, la construction métallique, l'agro-sylvo-pastoralisme, la menuiserie, la construction et la mécanique.
Le représentant de la mairie de N'Konni nous explique que les programmes de formation, initialement sélectionnés sur la base de la capacité du CFM, répondent désormais à la demande principale des employeurs de N’Konni et ce grâce au dialogue continu entre les membres du Conseil du CFM (direction du CFM, autorité locale et représentants des secteurs productifs). Il a ajouté que les compétences en plomberie sont en pénurie et c'est une excellent chose que le Centre se soit engagé à ouvrir le programme d'ici la fin de l'année. Ceci a été comme confirmé par la Directrice, toujours désireuse d’élargir l’offre et d'inclure plus de jeunes. Pour cette raison, le CFM s’est aussi ouvert à la formation continue en partenariat avec le Fonds d’Appui pour la Formation Professionnelle et l’Apprentissage (FAFPA), sous tutelle du Ministère des Enseignements Techniques et Professionnels (MEPT). Ce dernier utilise le CFM pour la composante théorique de la formation tandis que la composante pratique a lieu dans les ateliers des maitres artisans.
Autour du CFM de Birni N’Konni, un Collège d’Enseignement Technique (CET) a été mis en place en réadaptant les modestes infrastructures d'un ancien Centre de Formation Communautaire. Cette démarche a été effectuée en attendant la construction de nouveaux locaux lorsque le MEPT pourra impliquer des bailleurs de fonds dans une modalité de partenariat public-privé. En plus de deux années d'enseignement général, le CET a pu fournir une formation de deux ans sur la construction métallique et sur la mécanique à 114 jeunes (31 filles) sortant de l'enseignement primaire et entrant dans l'enseignement technique pour obtenir un niveau formel de certification. Cependant, les ressources mises à disposition par le budget national pour assurer la disponibilité de l'équipement technique et de l'espace d'atelier n'est pas encore au niveau requis pour atteindre les objectifs éducatifs fixés. Le CFM a accepté de mettre à la disposition du CET les ateliers et l'équipement pour les équipes de l'après-midi, permettant ainsi une utilisation complète des locaux. Dans le cadre de l'accord, le CET prend en charge les matériaux et d’autres consommables.
Aux portes du CFM et du CET, une Plateforme pour l'Orientation et l'Insertion des jeunes a également été ouverte par le Ministère. C'est l'une des deux Plateformes (l'autre est dans la ville de Tahoua) qui avec deux Espaces Orientation Jeunesse constituent la structure régionale orientant les jeunes sur le choix du programme de formation professionnelle. Une fois qualifiés elles les orientent également sur les opportunités de travail comme salarié ou futurs jeunes entrepreneurs indépendants. La Plateforme, initialement prévue pour aider les étudiants diplômés des programmes réguliers de l’éducation nationale, a maintenant ouvert ses services d'orientation professionnelle aux jeunes déscolarisés et non scolarisés qui peuvent accéder aux programmes proposés par le CFM. Elle soutient également le CFM dans l'insertion professionnelle en échangeant des informations et des contacts sur les postes vacants avec la Directrice du CFM. De plus, elle organise régulièrement des visites pour des étudiants potentiels aux sessions de formation dans les différents métiers du CFM.
Pour répondre aux attentes de la communauté, Mme Aï Ibro cherche à développer de nouveaux services comme une bibliothèque, une cafétéria et des transports pour les jeunes venant des coins les plus reculés du vaste département. Elle attend toujours le raccordement aux fournisseurs nationaux d'eau et d'électricité pour compléter les efforts déployés jusqu'à présent par la municipalité. Elle aspire à inclure dans la formation en agro-sylvo-pastoralisme plus de séances pratiques sur l'élevage, à travers des accords avec les associations d'éleveurs. Elle voudrait mettre fin au difficultés chroniques pour obtenir les matériaux nécessaires pour faire fonctionner l'équipement de l'atelier à plein régime. Selon elle, le CFM devrait faire plus et mieux pour contacter les familles et promouvoir les opportunités offertes par l'apprentissage et la connaissance. Il devrait arriver à montrer à tous les jeunes la beauté de la formation professionnelle, le scintillement de l'acier et du chrome des nombreux équipements et outils fournis par la Coopération Luxembourgeoise, la fierté d'être capable de donner une forme et une "vie" aux matériaux et la confiance en soi d'être capable de concevoir, de planifier et de faire. Par ailleurs, Mme Aï Ibro est convaincue que par une action plus proactive et conjointe avec la Plateforme et le CET, de plus en plus d'employeurs, toujours prêts à demander des compétences pertinentes, peuvent être systématiquement contactés pour leur faire sentir leur responsabilité et les convaincre de donner une chance aux jeunes filles et garçons formés.
C’est un vrai processus de renforcement mutuel et d'interdépendance des prestataires de formation, des élèves et des utilisateurs qui est en mouvement à Birni N'Konni. La stratégie de l'enseignement et de la formation professionnels et techniques intégrant les dispositifs de formation diplômante, la formation initiale professionnalisante, l'apprentissage, la participation du secteur privé, l'orientation et l'insertion professionnelle semble se concrétiser.
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