Ecole et décentralisation : des avancées au Niger
Dans le système éducatif nigérien, la décentralisation et l’entrée par les communes est une expérience récente. En effet, les options politiques en matière d’éducation et de formation ainsi que les dispositions juridiques, règlementaires et statutaires se mettent progressivement en place avec le code des collectivités territoriales, le décret 2016/075, portant transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux communes dans le secteur de l’éducation et de la formation, l’arrêté n°028/2017 précisant les modalités techniques d’exercices des compétences et des ressources transférées dans le domaine de l’éducation de base 1.
Par ailleurs, quasiment toutes les conventions de partenariat liant le Ministère de l’Enseignement primaire (MEP) aux bailleurs de fonds appuyant le secteur mettent aujourd’hui l’accent sur la nécessaire gestion décentralisée de l’école. De ce fait, les communes sont aujourd’hui les acteurs principaux du développement de l’éducation et de la formation au niveau local.
C’est dans ce contexte que le programme d’Appui à la Qualité de l’Éducation de la Coopération suisse au Niger (PAQUE - NIG/702), mis en exécution par LuxDev, focalise ses objectifs, ses moyens et ses stratégies sur l’amélioration de la qualité des apprentissages et des compétences des élèves, jugée encore trop insatisfaisante et dont le niveau n’a cessé de se dégrader. Le pays est régulièrement classé parmi les plus mauvais élèves de la sous-région. Afin que les résultats escomptés soient les plus pertinents et durables possibles, tous les acteurs et bénéficiaires doivent nécessairement participer à la mise en œuvre des actions éducatives, de la conception à l’évaluation. Ce processus repose sur de multiples et régulières réflexions et analyses approfondies, organisées à la base avec l’appui de l’Assistance technique et des services locaux de l’Éducation, pour que les parents et les élèves disent d’une manière libre, consensuelle et engagée quelle école ils veulent et ce qu’elle doit enseigner. Il s’agit donc d’une vision éducative partagée au niveau du village, ou du quartier, fondée sur une somme de perceptions, de points de vue, d’attentes, de choix et d’aspirations variés. Cette approche est encore assez nouvelle au Niger et a été mise en place par seulement quelques ONG et projets/programmes. Les structures techniques du MEP devront être accompagnées pour intégrer et impulser ce type d’approche qui veut donner une large place à la concertation et à la démocratie à la base à travers la mise en œuvre du Fonds Commun sectoriel Education aux niveaux central, déconcentré et décentralisé.
Partant de ces principes, les 13 communes partenaires du NIG/702 dans les régions de Dosso, Zinder et Diffa ont décidé d’élaborer chacune une Vision éducative communale (VEC) sur le long terme. Ce document de planification stratégique, une fois validé par les instances communales, départementales et régionales du système éducatif, permet à chaque école de la commune de décliner son Projet d’école (PE). C’est la communauté, au sein du village ou du quartier, qui planifie sur trois ans les actions éducatives de son école. Cette phase de micro planification locale consacre l’opérationnalisation de la VEC, achève son internalisation par l’ensemble de la communauté, y compris les enseignants : elle est d’autant plus réaliste qu’elle est la plus proche possible des missions de l’école et qu’elle tient compte des particularités de l’établissement : communauté, personnel, environnement géographique, climatique, socio-économique, sécuritaire...
Réunion des parents d'élèves autour du projet d'école
Le Projet d’école s’articule autour des axes de la Vision éducative communale (VEC) les plus souvent retenus : qualité des enseignements et des apprentissages, participation communautaire, développement de l’éducation préscolaire, scolarisation des filles... Il est élaboré par le Comité de Gestion Décentralisée des Établissements Scolaires (CGDES) et les enseignants, sur la base des normes de qualité et d’équité que le Ministère de l’Enseignement primaire (MEP) s’est fixées en matière d’éducation de base. Le Projet d’école est entièrement exécuté au niveau communautaire, souvent avec l’appui des services techniques. Ses sources de financement sont d’abord endogènes et peuvent être complétées par des subventions diverses. La gestion du Projet d’école n’est pas uniquement technique ou pédagogique. C’est une véritable école de bonne gestion et de bonne gouvernance. Le CGDES rend compte chaque année, à l’aide d’indicateurs simples, d’abord au niveau du village, ensuite au niveau communal, des réalisations techniques et financières. Ce bilan annuel constitue une base pour la réactualisation, le renouvellement et le refinancement des activités.
Salles de classe livreées par Luxdev (NIG019), Département de Boboye (Région de Dosso)
Plus que de longs discours, voici le témoignage d’un parent d’élève de l'école de Singuibossey, commune rurale de Farrey rapporté par le conseiller pédagogique :
Depuis l'intervention du PAQUE II et le lancement de notre projet d’école, le taux de passage en classe supérieure a évolué en moyenne de 5 % par an, ce qui nous a permis de passer de sept à dix classes. Nous avons en janvier 2018 un effectif de 295 élèves contre 235 en 2015. Dans le même temps, le pourcentage d'élèves ayant la moyenne est passé en français au Cours Préparatoire de 0 % en 2016 à 40% en 2017 et au CM2 de 0 % en 2016 à 100% en 2017. Aujourd'hui, les parents cotisent plus pour la caisse du CGDES et participent encore plus aux activités scolaires car ils croient de plus en plus en plus en leur école.
En somme, la Vision éducative communale constitue la base de la gestion décentralisée de l’école, se veut un outil préparatoire au transfert effectif des compétences et des ressources et elle doit devenir à terme le cadre du renforcement des capacités des acteurs locaux.
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