Niger - Rendre la jeunesse rurale nigérienne dynamique, émancipée, responsable et engagéeLa Région de Dosso montre le chemin
Avec une jeunesse rurale, de 15 à 35 ans, représentant 25 % de la population nigérienne et tenant compte du fait que 50 % de la population à moins de 15 ans, la création d’opportunités concrètes pour les jeunes ruraux constitue un défi social et économique majeur impactant directement l’atteinte des Objectifs de Développement durable du Niger à l’horizon 2030.
Reconnaissant l’apport de l’exode saisonnier des jeunes quant à leur éveil et à la mobilisation d’une épargne utile pour l’installation dans la vie active au retour, l’augmentation des flux migratoires pose la question d’une perte de force vive chargée d’initiative nécessaire au pays, or une proportion importante de la jeunesse rurale aspire à rester dans son terroir si les conditions de vie et les perspectives individuelles s’améliorent.
Dans ce contexte, la vision des autorités nigériennes s’exprime à travers la politique nationale de la jeunesse qui est de rendre la jeunesse nigérienne dynamique, émancipée, responsable, engagée et prête non seulement à renforcer les liens de cohésion de solidarité entre les jeunes, mais aussi à adhérer aux principes de bonne gouvernance pour un développement économique, social et culturel du Niger. Cette vision s’exprime également par la priorité donnée au secteur rural à la Formation professionnelle ainsi qu’aux engagements pris en matière de jeunesse dans le cadre de la mise en œuvre de l’Initiative 3N (les Nigériens nourrissent les Nigériens).
Communément en se référant aux études sous régionales en la matière, les contraintes à l’insertion professionnelle des jeunes en milieu rural relèvent du manque de possibilités de financement, de la difficulté d’accès au foncier, de la faiblesse des infrastructures locales et d’un déficit de compétences.
Partant de ces constats, les principaux acteurs investis dans la Région de Dosso sur cette question, à savoir, la profession agricole représentée par la Chambre régionale d’Agriculture (CRA), le Conseil régional, des ONG et des organisations de producteurs, le Haut-Commissariat à l’Initiative 3N, le Ministère en charge de la Formation professionnelle ainsi que le Ministère du Secteur rural, ont initié diverses actions porteuses d’avenir pour la jeunesse rurale. Ces actions reposent sur six piliers complémentaires et interdépendants relavant de la formation, la vie associative, l’appui conseil, l’accès au foncier, le financement et l’environnement structurant.
La formation, adaptée aux jeunes ruraux de plus de 15 ans, relève des dispositifs de la formation professionnelle dont l’offre s’étend jusque dans les communes. Elle dispose de centres de formation aux métiers, offrant essentiellement des opportunités d’acquérir des compétences pour les jeunes sortants de l’enseignement classique. L’acquisition de compétences pour les jeunes actifs au niveau local repose sur des initiatives, essentiellement portées par la profession. Parmi elles, les Sites intégrés de Formation agricole (SIFA) initiés par l’ONG Swisscontact et gérés par les organisations de producteurs ou encore les Champs Écoles mis en place par des organisations de producteurs ou des ONG locales sous l’initiative de la CRA. Depuis mi 2015, 900 jeunes ont bénéficié de formations courtes dans ce cadre à des coûts similaires à ceux de l’alphabétisation (env. 75 000 FCFA par jeune et par formation de 130 h). La plupart des formations professionnelles en agriculture tendent à présent à respecter l’approche par compétences et sont en général certifiés par les services relevant de la Formation professionnelle. En règle générale, les formations proposées reposent essentiellement sur l’alternance (avec un minimum de 130 h sur quatre mois) et l’acquisition de compétences sur un maillon d’une chaine de valeur (production maraichère, transformation, etc.). Ces initiatives posent la question de la complémentarité avec l’alphabétisation mais également du bagage minimal à fournir aux jeunes. Ne serait-il pas plus opportun qu’un jeune acquière des compétences adaptées sur la gestion d’exploitation et l’intégration des filières au sein d’une exploitation, lui garantissant une plus grande résilience face aux multiples risques inhérents à chaque activité, notamment au changement climatique. Le financement de ces formations devrait reposer sur le subventionnement public, via les fonds sectoriels, ainsi que sur l’apport de la profession, afin de réduire la charge pour les parents et les jeunes.
Il reste difficile de maîtriser les aspirations réelles des jeunes ruraux. En effet, peu d’études ont été menées en la matière et le niveau de représentativité des jeunes dans la société civile et les organisations locales reste faible, notamment à cause de l’immigration, de la surcharge de travail pour les jeunes femmes mariées et mères de famille, ou encore de l’omniprésence d’un leadership local traditionnel des anciens. La prise en compte des jeunes au sein des organisations de producteurs est récente et insuffisante (moins de 5 % des élus de la CRA ont moins de 35 ans, aucune élue n’a moins de 35 ans). Il est essentiel que des organisations de producteurs de jeunes hommes et/ou de jeunes femmes émergent. Dans cette optique, la CRA recrute de jeunes technicien(ne)s plus à même de comprendre la problématique et d’éveiller les jeunes en matière de vie associative, seul gage d’améliorer leur représentativité.
Pour réussir, un jeune, qui s’installe comme exploitant agricole ou qui est tout simplement recruté comme ouvrier agricole, doit pouvoir avoir accès à l’information et à l’appui conseil régulier des professionnels expérimentés. Une fois de plus, des organisations de producteurs, les privés et les services techniques sectoriels sont à même d’offrir cet accompagnement nécessaire à la professionnalisation des jeunes. En dehors des initiatives locales et malgré les technologies disponibles, ces dispositifs sont sous financés et ne bénéficient que de l’appui public et de projets spécifiques. La mise en place de mécanismes de financements durables de l’appui conseil reposant sur les prélèvements et des cotisations internes aux filières constituent alors un enjeu crucial pour la profession.
L’accès au foncier est souvent considéré comme possible uniquement dans le cadre de l’héritage ou de l’acquisition et limite alors les possibilités des jeunes ruraux. Or, pour s’installer dans l’agriculture, il est conseillé de commencer jeune, avant 35 ans. En conséquence, des opportunités d’accès au foncier par prêt doivent être stimulées et sécurisées au niveau familial ou local. Il en est de même lors de la mise en valeur d’aménagement hydro agricole, la priorité devrait être donnée aux jeunes hommes et femmes pour l’attribution de parcelles par tirage au sort.
Un jeune, en particulier une jeune femme agricultrice, a peu de possibilités pour accéder au financement, et ce par manque de capital, d’expérience et d’ indépendance vis à vis de ses parents ou de son époux. Des possibilités de financement de l’apprentissage et de l’installation des professionnels existent mais, bien souvent, la nécessité d’un subventionnement minimal à l’installation, constitue un frein réel. Des efforts importants restent encore à fournir en matière d’accès des jeunes aux fonds d’investissement, notamment à travers le crédit. L’association des jeunes, l’acquisition de compétences et l’accès au foncier garanti sur plusieurs années constituent des gages certains pouvant favoriser l’accès aux financements pour les projets portés par des jeunes.
Evidemment, sans un environnement économique favorable, alliant routes, infrastructures marchandes, lieux de stockages, et accès à l’eau potable, la réussite des projets agricoles des jeunes est compromise. À cet effet, il apparait nécessaire de renforcer ces éléments structurants au niveau des pôles de développement agricoles, situés dans les bassins de productions à proximité des marchés.
L’avenir de la jeunesse rurale, défi majeur du Niger, repose, en grande partie, sur les capacités des acteurs du secteur et la claire répartition des rôles et responsabilités des institutions de référence. Enfin, une attention particulière doit être donnée aux jeunes femmes en milieu rural dont les parcours offrent moins d’opportunités malgré les responsabilités importantes qu’elles occupent au sein de leurs familles.
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