Niger – Le crédit au service des agriculteurs de la région de Dosso
Ancien ouvrier agricole en Lybie, âgé de 30 ans, Lihida Dambaji a décidé de se réinstaller dans son village natal, dans la Région de Dosso. Après avoir investi ses économies dans la réalisation d’un puit pour pouvoir se lancer dans les productions maraichères, il a sollicité un prêt auprès de la Banque agricole du Niger (BAGRI) afin de compléter son investissement et de pouvoir produire en toute saison. Avec un promoteur jeune, mobilisant de la main d’œuvre féminine pour certain travaux, localisé à proximité d’une école et en bordure d’une route fréquentée, cette exploitation peut servir de référence pour les jeunes du département de Tibiri.
Longtemps considérée comme un secteur à risque, l’agriculture nigérienne attire de plus en plus d’investisseurs nationaux prêts à répondre à une demande de plus en plus forte en produits agricoles au niveau national, mais également dans la sous-région, tel qu’au Nigeria voisin. Malgré la rentabilité croissante des investissements agricoles et la création d’emplois qu’ils génèrent, principalement dans les domaines des cultures irriguées et de la transformation de produits agricoles, les établissements financiers n’acceptent pas en général d’allouer des crédits aux producteurs où à leurs organisations. Exception faite pour l’acquisition d’intrants ou la commercialisation dans des filières relativement rentables et maitrisées, telles que le riz ou l’oignon ; les autres moyens de financement des producteurs sont issus de l’épargne propre ou du recours aux usuriers du secteur informel.
Permettant d’impacter directement sur l’autonomie alimentaire du pays et l’emploi, le financement de l’agriculture au Niger est au cœur des préoccupations depuis de nombreuses années avec la création d’une banque agricole, la mise en place de fonds (garantie, calamité, bonification) et les réflexions récentes quant à l’installation du Fonds d’Investissement pour la Sécurité alimentaire et nutritionnelle (FISAN), d’autant plus que les dispositifs antérieurs, basés sur un subventionnement élevé ont montré leurs limites caractérisées par des procédures complexes, une faible responsabilisation des bénéficiaires et une insuffisante mobilisation financière de ces derniers.
Sous l’impulsion du Haut-Commissariat à l’Initiative 3N (les Nigériens nourrissent les Nigériens), distinguant les politiques de sécurité alimentaire de celle concernant le développement agricole, et dans une perspective d’alignement progressif des financements extérieurs aux dispositifs nationaux qui sont en cours de mise en place, des expériences pilotes sont menées dans les différentes régions du pays et concernent l’octroi de subventions adossées au crédit agricole.
Acquisition de motopompes pour les adhérents d’une coopérative, installation d’une unité de refroidissement pour le stockage des pommes de terres, amélioration des systèmes de productions par la fertilisation organique des sols et l’association des cultures, fourniture d’équipements de pompage solaire et de système d’irrigation goutte à goutte, mise en place d’unités de transformation et de commercialisation, ce sont quelques-uns des 94 projets portés par des producteurs et leurs organisations dans la Région de Dosso qui ont été financés en 2015 (crédit 45 %, subvention 40 %, apport personnel 15 %) dans le cadre d’un partenariat entre les institutions, Ministère de l’Agriculture, Conseil régional et la Banque agricole du Niger, sur fonds luxembourgeois. La pénétration de cette opportunité reste néanmoins encore limitée auprès des femmes et des jeunes, avec l’appui de seulement sept groupements féminins, cinq groupements mixtes, deux femmes individuelles et cinq jeunes hommes de moins de 35 ans.
Ces différents investissements sont réalisés directement par les producteurs dans des délais de six mois maximum, moyennant un crédit à rembourser trimestriellement ou semestriellement en 4 à 12 échéances selon l’ampleur de l’investissement et la capacité de remboursement du promoteur. À ce jour, les emprunteurs ont pu respecter leurs engagements grâce à un suivi rapproché de la banque, mais également des organisations de producteurs, en particulier la Chambre régionale d’Agriculture (CRA).
Pour permettre le développement du crédit agricole, des actions de renforcement des capacités sont nécessaires, elle ont été menées, d’une part auprès des établissements financiers pour leur permettre de mieux comprendre l’économie des filières agricoles et de proposer des produits de crédits agricoles adaptés, d’autre part auprès des producteurs et de leurs organisations afin de maitriser les risques liés aux remboursements, ainsi que pour améliorer leurs capacités de négociations avec les banques.
Tenant compte des opérations de la BAGRI, la progression du crédit agricole est significative (passant de 75 à 553 millions de Francs CFA entre 2014 et 2015). Face à cette confiance croissante entre secteur agricole et finance, des partenariats se développent entre la profession agricole et les institutions financières, ces dernières montrant un intérêt de plus en plus important à financer des projets portés par des organisations de producteurs sérieuses ou des projets d’agrobusiness, créateur d’emploi, portés par des promoteurs nationaux disposant souvent d’un capital non agricole. Dans ce contexte, avec les autres partenaires financiers actifs sur la même démarche dans les différentes régions du pays (Fonds international de Développement agricole - FIDA, Coopération suisse), une attention particulière est donnée au développement du crédit agricole par les institutions de micro finance, à la mise en relation des organisations de producteurs avec les établissements financiers, et à la sécurisation foncière, dans le souci de permettre aux petits producteurs, familiaux, d’avoir accès au crédit agricole dans les meilleures conditions.
En prévision des prochaines interventions et afin de répondre à une demande importante de crédit agricole, les partenaires de l’opération dans la Région de Dosso ambitionnent cette année le cofinancement de plus de 300 projets d’investissement agricole dont plus de la moitié devraient l’être au bénéfice des jeunes et des femmes. Les premières expériences de subvention adossée au crédit agricole ont permis aux établissements financiers partenaires de développer un savoir-faire et surtout de construire une relation de confiance avec les producteurs. À présent, il convient de cibler le subventionnement pour favoriser l’accès au crédit agricole durablement, à cet effet une attention particulière est donnée aux jeunes agriculteurs et agricultrices ayant réussi des cycles de formations professionnelles agricoles courtes, ayant accès également à des mesures d’appui conseil et une facilitation de la sécurisation foncière de la part de la profession agricole, représentée par la CRA.
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