Transformer la chaîne alimentaire du froid avec l'énergie verte au Sahel
En avril 2024, dans le cadre de LuxAid Challenge Fund, la Coopération luxembourgeoise a sélectionné, parmi 250 candidatures, 10 innovations à impact portées par des jeunes entreprises burkinabè, maliennes et sénégalaises. Le cofinancement vise à accélérer leur croissance pour contribuer aux enjeux d’apprentissage à distance ou de sécurité alimentaire. Découvrez deux solutions innovantes soutenues par LuxAid Challenge Fund au Burkina Faso et au Sénégal, utilisant l’énergie solaire pour mieux conserver la production agricole et améliorer la sécurité alimentaire.
Améliorer les conditions de stockage pour assurer la sécurité alimentaire
En Afrique subsaharienne, d’importantes pertes agricoles sont constatées au moment de la production et après la récolte. Cela impacte les capacités productives, qui ne sont alors pas en mesure de nourrir une population croissante. L’absence de solutions de réfrigération adaptées contribue ainsi à la perte de 38 % de la production alimentaire (entre le moment de la production et en post-récoltes)1, alors que la sous-alimentation continue de croître et a atteint 22,5 % en 20222.
Au Burkina Faso par exemple, une part non négligeable de la production de fruits (notamment les mangues et agrumes) et légumes est perdue en raison du manque de stockage frigorifique. Le transport et la conservation des produits frais comme les légumes ou la viande, sans réfrigération adéquate, entraînent des risques sanitaires et un manque à gagner économique pour les petits producteurs. Au Sénégal, malgré les efforts de certains producteurs d’oignons pour augmenter leur productivité, sans une solution de stockage adéquate, ils sont contraints de vendre immédiatement cette production, généralement à des prix bas.
Un accès à des installations de stockage adéquates, y compris frigorifiques, apporte une réponse à ces problèmes. Plus globalement, améliorer la chaîne de froid pourrait permettre de sauver plus de 475 millions de tonnes d’aliments, capables de nourrir 950 millions de personnes par an1. Mais pourquoi est-il si difficile de relever ce défi ?
Tout d’abord, les équipements existants ne sont généralement pas adaptés aux réalités africaines : les véhicules de transport frigorifique existants sont la plupart du temps importés et ont un coût élevé. Ensuite, les petits producteurs et commerçants ne sont pas toujours organisés en coopératives pour le stockage et le transport de leur production. Ils n’ont par ailleurs pas toujours une capacité financière suffisante pour réaliser ces investissements. Enfin, certaines zones rurales manquent encore d’un accès continu à l’électricité, rendant la réfrigération moins aisée.
Unité de stockage réfrigérée, fonctionnant sur panneaux solaires (© Ibriz)
Profiter de l’énergie solaire pour offrir des solutions adaptées aux besoins locaux
Pour augmenter la productivité des agriculteurs, depuis quatre ans, l’entreprise Ibriz fournit des systèmes de pompage et d’irrigation solaires à plus de 1 000 producteurs, dont 45 % de femmes. Ils ont également innové en créant des partenariats avec des institutions de microfinance pour permettre à leurs clients de rembourser leur investissement de manière échelonnée. Cependant, pour tirer les bénéfices financiers d'une productivité accrue, les agriculteurs doivent désormais faire face à un autre défi : le stockage.
Serigne Sam NDAO et Bou DIARRA, cofondateurs d’Ibriz
« En augmentant leur production agricole, nos clients ont été confrontés à une incapacité à stocker cette production complémentaire, surtout pour la production d’oignons, expliquent Bou DIARRA et Serigne Sam NDAO, les cofondateurs d’Ibriz. Nous avons alors décidé d’élargir notre offre en proposant également des unités de stockage réfrigérées alimentées par l’énergie solaire, surveillées à distance via une plateforme qui suit les conditions de températures internes et externes. »
Aimé Pascal KABORÉ, cofondateur de FASOTRAP
Allons maintenant au Burkina Faso : Aimé Pascal KABORÉ, enseignant, autodidacte et passionné de technologie, et, Ali KABORÉ, ingénieur en énergie solaire, ont été témoins des pertes post-récoltes dans leur région natale de Diapaga. « Nous souhaitons améliorer l'accès à des aliments frais de qualité et nous avons la conviction que, pour répondre au contexte burkinabè, nous devons développer des solutions innovantes ici. »
Depuis 2021, FASO Transport d’aliments périssables (FASOTRAP SAS) assemble et commercialise des solutions de stockage frigorifique sur mesure, abordables et écoénergétiques, fonctionnant à l’électricité, l’énergie solaire ou l’essence. Des options d’achat, un paiement échelonné ou la location sont possibles, permettant à des petits exploitants agricoles et à des commerçants de produits frais de bénéficier d’une solution trois à cinq fois moins coûteuse qu’un camion frigorifique. Belle illustration de cette capacité de s’adapter aux besoins de chacun, leur produit phare est un tricycle surmonté d’une chambre froide fonctionnant sur panneaux solaires.
Unité de réfrigération mobile de FASOTRAP
Agir concrètement au profit des petits producteurs grâce à LuxAid Challenge Fund
Au Sénégal, le prix de l’oignon augmente généralement de 20 % en dehors de la période de production3. Le cofinancement de LuxAid Challenge Fund permet à Ibriz d’installer trois nouvelles unités de stockage pour des coopératives de producteurs d’oignons de la région des Niayes (20 000 membres), mais également d’offrir un système de pompage et d’irrigation par panneaux solaires à 300 nouveaux maraîchers.
Avec une capacité de stockage de 20 tonnes chacune, ces trois unités de stockage permettront aux producteurs de générer jusqu’à 18 000 EUR de revenus supplémentaires chaque année. Avec les innovations mises en place dans le cadre du cofinancement, Ibriz compte renforcer la sécurité alimentaire de 3 000 personnes, éviter l’émission de 1 200 tonnes de CO2 chaque année et générer 30 % de revenus supplémentaires pour les agriculteurs concernés.
De son côté, FASOTRAP a d’ores et déjà permis à plus de 100 exploitants agricoles de conserver leur production, améliorant ainsi considérablement leurs revenus. Par ailleurs, la maîtrise de la conservation permet aux producteurs de cibler les périodes opportunes pour vendre leurs récoltes et en tirer un meilleur prix. Avec le cofinancement de LuxAid Challenge Fund, l’ambition de FASOTRAP est désormais de passer de 30 unités vendues en 2023 à plus de 200 au cours des deux prochaines années. Cela permettra d’accroitre de 30 % les revenus des utilisateurs des unités réfrigérées, contribuant à renforcer la sécurité alimentaire, stimulant ainsi l’économie locale et réduisant l’empreinte écologique de la chaîne du froid.
De nouveaux appels à projets pour soutenir encore davantage d’innovations face aux enjeux sociétaux majeurs
De nouveaux appels à projets de LuxAid Challenge Fund seront prochainement ouverts dans les pays où la Coopération luxembourgeoise est active. Vous voulez en savoir plus ? Consultez les réseaux sociaux de LuxDev (Facebook, LinkedIn, X). Un site internet dédié sera prochainement disponible !
Le LuxAid Challenge Fund est une initiative financée par la Direction de la coopération au développement et de l'action humanitaire du ministère des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et du Commerce extérieur du Luxembourg, mise en œuvre par LuxDev, l'agence luxembourgeoise pour la Coopération au développement, dans le cadre du projet Instruments de partenariat avec le secteur privé.
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1 https://iifiir.org/fr/actualites/reduire-les-pertes-alimentaires-apres-recolte-en-afrique-subsaharienne
2 FAO
3 Estimations LuxDev
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