En 1964 a eu lieu la première édition de la journée internationale de la femme africaine, sur initiative d’Aoua Keïta, femme politique et militante malienne. Deux ans auparavant, le 31 juillet 1962, des femmes de tout le continent africain se réunissaient à Dar Es Salaam pour créer l’Organisation panafricaine des femmes.
Malgré les différences culturelles, ethniques et linguistiques, l’objectif était d’unir leurs forces, de promouvoir la pleine intégration des femmes dans le développement économique, social et politique du continent et d'ainsi contribuer à améliorer les conditions de vie et l’émancipation des femmes africaines.
À l'occasion de la journée internationale de la femme africaine, nos sept collègues africaines des bureaux LuxDev du Cabo Verde, Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et Rwanda partagent leurs réflexions sur leur rôle et leur statut dans leurs sociétés africaines respectives.
Bonne lecture !
Nathaly SANTOS du bureau Cabo Verde
Nous avons connu beaucoup de changements au cours des dernières années au Cabo Verde, notamment des changements de mentalité, de lois et de conditions permettant aux femmes d'avoir accès à l'égalité des chances. Des changements majeurs ont eu lieu en ce qui concerne l'accès à l'éducation. Par exemple, ma grand-mère n'a pu étudier que jusqu'à la quatrième année, alors que ma mère, adolescente, a déjà étudié jusqu'à la septième année. Ensuite, en tant que génération suivante, à l'âge de 24 ans, j'ai eu la chance d'obtenir mon diplôme universitaire plus tôt. Cette année-là, ma mère et moi avons obtenu notre diplôme universitaire en même temps, car elle avait repris ses études à l'âge adulte. Cela montre à quel point le système a changé en l'espace de quelques générations et permet désormais aux femmes d'obtenir un diplôme à n'importe quel âge.
Aïda NDIAYE du bureau Sénégal
Dans les sociétés africaines, garçon ou fille, l’aîné est obligé d’assumer ce rôle et n’a pas droit à l’erreur. En tant que fille, ce statut est encore plus lourd à porter. Ce qu’on demande au premier-né n’est pas la même chose que ce qu’on demande au deuxième ou troisième, le dernier ayant toutes les libertés possibles. Les parents sont souvent plus rigoureux dans l’éducation de l’aîné qui sert automatiquement de modèle à ses frères et sœurs et il ou elle représente la famille au sein de la société. Une certaine autorité est attribuée au premier-né qui a le droit de parole avant les autres et aucune décision n’est prise à son insu. En tant qu’aînée, je me dois d’être exemplaire. Dans le temps, avoir un garçon comme premier-né avait une tout autre signification, dans le sens où les garçons étaient longtemps considérés comme plus courageux et plus valeureux. De nos jours, la perception sur les filles a changé, surtout en milieu urbain. Désormais, elles sont même considérées comme plus sérieuses et courageuses que les garçons, meilleures à l’école, plus résilientes et ayant le sens des responsabilités. Ces réalités africaines sont propres aux sociétés du continent et perçues différemment au sein des sociétés européennes.
Mireille HOUNSA du bureau Mali
Être femme africaine en 2023 signifie pour moi être une femme battante, prête à relever les défis, à démontrer à son entourage qu’il est possible d’occuper un poste de responsabilités élevées au même titre que des hommes et d'être en mesure de s’occuper des enfants et du foyer.
En comparant avec les générations de femmes plus âgées, il y a d’énormes changements : le rôle de la femme africaine moderne commence à être davantage accepté de manière collective et à être mieux compris par de plus en plus de monde. En citant mon cas, je bénéficie d’un fort soutien de mon conjoint et de ma belle-famille pour faciliter mon ascension, ce qui me motive à aller davantage de l’avant, à leur prouver que je suis toujours à la hauteur et à mériter leur confiance. Mon mari n’hésite pas à participer aux tâches ménagères (entretien de la maison, lessive, cuisine et soins des enfants). Le fait de savoir que je ne suis pas seule et de sentir l’attachement et le soutien de mon conjoint, de par son éducation reçue, me fortifie et me permet de viser toujours l’excellence.
Fatoumata SAMAKÉ du bureau Mali
À l’époque, nos mamans ont dû abandonner leurs ambitions professionnelles pour s'occuper uniquement de leur foyer. Plus tard, nos papas se sont battus pour nous maintenir à l'école, nous les filles, et pour nous permettre de bénéficier d’une indépendance économique dans un contexte changeant depuis les poussées indépendantistes de nos jeunes États africains et favorable à l'émergence des femmes. Cette ouverture a permis aux femmes d’occuper des postes à responsabilités et de participer aux prises de décisions importantes dans la communauté.
Pour moi, le plus important est d'être autonome financièrement. Aujourd’hui, dans la société malienne, travailler et être une femme mariée est un statut enviable à tout égard. Face à certaines injustices courantes, émanant notamment du modèle de famille polygame, comme des privations de droits et/ou de biens matériels, voire des violences conjugales, de plus en plus de femmes choisissent de travailler pour acquérir une autonomie financière, s’épanouir et mettre entre parenthèses ces injustices.
Stéphanie MANCA du bureau Burkina Faso
Être une femme africaine en 2023, c’est être à cheval entre modernité et tradition. C’est savoir jongler habilement entre ces deux notions à travers notre comportement et nos habitudes de vie. Il est indispensable de connaître sa culture et de la respecter tout en l’adaptant à un mode de vie de plus en plus calqué sur le modèle occidental.
La notion de femme africaine me renvoie fortement à la notion de « mère », pas forcément au sens de « mère qui enfante », mais plutôt au sens de « tuteur » au service de la jeunesse et de la société. À l’image d’un tuteur qui aide les pieds de tomate à pousser droit, la femme africaine épaule, écoute et donne de bons conseils afin d’emmener la nation à aller de l’avant sur le droit chemin. Elle occupe une place importante dans le tissu social de la société, elle fait le lien entre les générations et elle prend une part essentielle dans l’organisation des fêtes, cérémonies et célébrations des communautés.
Rakiatou SEYDOU du bureau Niger
La place des femmes au Niger a connu une évolution remarquable au fil des siècles. Autrefois confinées aux tâches domestiques et à l'éducation des enfants, elles passaient de l'autorité de leur père à celle de leur mari. A contrario, les femmes d'aujourd'hui ont conquis des droits et une place prépondérante dans tous les domaines de la vie publique et sociale. Elles peuvent choisir leur voie, affirmer leurs préférences et opinions de la façon la plus libre qui soit et conjuguer vie de famille et vie professionnelle, mais aussi choisir de renoncer à l'une ou à l'autre. Les femmes ont désormais accès à la contraception et au contrôle des naissances, alors que jadis, mettre au monde beaucoup d’enfants était considéré comme une richesse.
Trouver un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle s’avère parfois difficile. L'un des plus grands défis auxquels je suis confrontée est de trouver du temps pour moi. Je suis tellement occupée à prendre soin des autres et à travailler que j’oublie souvent de prendre soin de moi-même. Cela peut conduire à un épuisement professionnel et à éprouver des ressentiments. Au quotidien, cela demande une bonne organisation pour combiner le statut de femme active, être présente dans l'éducation des enfants et assurer un rôle au sein du foyer.
Florentine KABASINGA du bureau Rwanda
La femme rwandaise est active, elle participe dans la sphère publique, elle prend des décisions et elle est présente dans divers secteurs comme la politique, l’éducation, la technologie, l’armée, mais aussi dans des métiers traditionnellement réservés aux hommes, comme la maçonnerie, le travail sur chantier ou l’entretien des routes. Dans les institutions, la présence de la femme est très visible : 61 % des parlementaires au Rwanda sont des femmes et dans le gouvernement, 14 femmes occupent actuellement des postes de ministres sur un total de 22 ministères. Je trouve qu’au Rwanda, nous sommes privilégiées par rapport aux femmes d’autres pays d’Afrique. Ce qui a fait changer le regard sur la femme, c’est l’éducation et, plus particulièrement, l’éducation des mentalités.
Malgré les avancées réalisées, des défis subsistent pour les femmes rwandaises au quotidien. Des inégalités perdurent, notamment dans les quartiers défavorisés de Kigali. L'évolution de la position des femmes dans la sphère publique et privée peut susciter des tensions avec certains hommes, qui peuvent parfois avoir du mal à accepter l'indépendance et l'autonomie des femmes. Cependant, une campagne mettant en avant la complémentarité entre les genres a été menée pour favoriser une meilleure compréhension et une communication constructive entre hommes et femmes.
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